20 000 Volcans sous les mers
Une mission aux portes des entrailles de la Terre, en quête de l’origine de la vie.
Volcanologie
Depuis près d’un an, l’activité du volcan Stromboli a redoublé d’intensité, générant des éboulements et d’épais nuages de fumée qui alertent les spécialistes. Premier témoin de l’activité volcanique intense dans les îles Éoliennes, le Stromboli est l’un des deux derniers volcans terrestres actifs de l’archipel sicilien. Toutefois, nombre de ses semblables se cachent sous la surface. D’après les estimations de la NASA, les fonds marins comptent plus d’un million de volcans, soit 80% du total de la planète.
PLONGÉE DANS LES ÎLES ÉOLIENNES, AU COEUR DE L’UN DES PLUS IMPORTANTS SYSTÈMES VOLCANIQUES D’EUROPE
L’archipel des îles éoliennes est composé de 7 îles principales : Alicudi, Filicudi, Lipari, Panarea, Salina, Stromboli et Vulcano. Situé au nord des côtes siciliennes, il s’inscrit dans un vaste système volcanique comprenant également les volcans du sud du bassin Tyrrhénien dont font notamment partie le Vésuve et l’Etna. Classées Patrimoine Mondial de l’UNESCO, les îles Éoliennes accueillent l’une des concentrations volcaniques les plus importantes du vieux continent.
Bien qu’invisibles depuis la surface, les volcans sont également très actifs en profondeur. Au printemps 2022, une mission d’exploration 1 OCEAN est organisée pour explorer la caldeira sous-marine de Panarea. Elle accompagne une mission scientifique de l’INGV (Institut National de Géophysique et de Volcanologie) menée par le volcanologue Francesco Italiano.
La première plongée est époustouflante : à seulement quelques mètres de profondeur, des éruptions permanentes de gaz venant directement de la chambre magmatique du volcan s’échappent des entrailles de la Terre pour former d’impressionnants rideaux de bulles. Dans la caldeira, certains sites dégagent plus d’un million de litres de gaz par jour.
La suite de notre exploration nous emmène bien plus profond, à plus de soixante-dix mètres de profondeur. Lors de leur dernière mission, les plongeurs de l’INGV ont fait la découverte d’un lieu d’exception : The Smoking Land. Les fonds marins y sont couverts de cheminées hydrothermales auxquelles le soufre a donné une couleur orange caractéristique. De manière continue, elles expulsent des fluides acides à haute température.
Pour le photographe Alexis Rosenfeld, c’est un spectacle à couper le souffle : “Les volcans sous-marins de Panarea sont l’un des paysages les plus marquants qu’il m’ait été donné de voir. On est parfois à plus de soixante-dix mètres de profondeur, au beau milieu d’un champ de cheminées volcaniques qui crachent des gaz et fluides brûlants, toxiques… C’est une ambiance époustouflante, où l’on est à la fois enveloppés par le silence infini de l’océan et témoins de ce spectacle dantesque, un peu comme si l’on se trouvait aux portes des enfers. On comprend alors que la Terre est vivante. Depuis la surface, on ne se doute de rien.”
LES VOLCANS SOUS-MARINS, BERCEAU DU VIVANT
Paradoxalement, les conditions extrêmes dans ces fonds marins pourraient aussi être la clé de l’une des plus grandes questions de l’humanité : l’origine de la vie. En effet, selon les scientifiques, c’est autour de ces éruptions volcaniques que seraient nés les premiers organismes ; c’est là que le minéral se transforme en vivant. Le volcanologue Francesco Italiano explique : “C’est sur ces cheminées hydrothermales que les composants chimiques sont transformés en matière vivante. C’est ici que la vie commence.”
Les fonds marins de la caldeira de Panarea sont d’ailleurs parsemés de tâches blanches que l’on trouve généralement à la base des colonnes de gaz. Ces tâches sont en réalité des amas de bactéries qui se nourrissent principalement de carbone. Elles constituent le premier maillon de la chaîne alimentaire, la base des écosystèmes terrestres.
IDMAR, UN LABORATOIRE SCIENTIFIQUE COMMUN
Francesco Italiano l’assure : “Panarea est un endroit unique. C’est un laboratoire naturel où beaucoup de disciplines scientifiques différentes peuvent se rencontrer et travailler ensemble”.
Avec l’INFN (Institut national de physique nucléaire) et le CNR (Centre National de Recherche), le volcanologue et d’autres chercheurs de l’INGV sont en train de créer un projet d’ampleur autour de la Sicile : le projet IDMAR. Au cœur de ce projet, une plateforme scientifique d’accueil et de partage pluridisciplinaire dont l’objectif est de recueillir et de centraliser une multitude de données en continu. IDMAR, c’est la science qui travaille ensemble pour une meilleure connaissance des phénomènes sous-marins en Sicile.
PANAREA – STROMBOLI, UN AXE INSTABLE
Grâce à ce programme, Francesco Italiano et son équipe peuvent écouter les volcans en permanence. Ces dernières années, ils ont observé d’inquiétants changements dans le comportement des volcans de la région. Le Stromboli, notamment, les tient en alerte : depuis quelque temps, les analyses montrent une instabilité anormale qui fait craindre aux scientifiques un événement d’envergure :
“Le Stromboli est un volcan actif. Il génère en permanence des explosions de faible intensité mais parfois son activité change de nature. Il produit alors des coulées de laves mais aussi d’énormes explosions qui peuvent être très dangereuses pour les Hommes.” – Francesco Italiano
Il y a quelques années, une explosion phréatique dans la caldeira de Panarea avait ouvert une faille jusqu’au Stromboli et causé un effondrement sur le volcan. Cette éruption de gaz dégageait chaque jour plus d’un milliard de litres de dioxyde de carbone. Il y a peu de temps, les scientifiques ont fait une découverte importante : le Stromboli et la caldeira de Panarea sont en réalité reliés à une seule et même chambre magmatique.
LES TSUNAMIS, UN RISQUE MAJEUR ET UNE GESTION COORDONNÉE PAR LA COI-UNESCO
L’une des principales inquiétudes des scientifiques : la possibilité qu’une éruption génère un tsunami de grande ampleur qui représenterait un risque majeur pour les populations de la région.
“L’un des risques est la possibilité d’un tsunami. Le principal problème pour faire face à ce risque, c’est la faible distance entre les îles. Un tsunami se déplace à très grande vitesse, au minimum à 300 km/h. Un tsunami peut donc atteindre l’une des îles en seulement quelques minutes.”
Les tsunamis représentent un risque majeur pour les littoraux et peuvent traverser de grandes distances. En 1960, un séisme de magnitude 9.5 – la plus élevée jamais enregistrée – a eu lieu à proximité de Valdivia, au Chili. Le tsunami qui en a résulté a traversé l’intégralité de l’océan Pacifique et l’on a enregistré des dégâts jusqu’aux côtes japonaises, à environ 17 000 kilomètres de l’épicentre.
Face à cette éventualité, l’UNESCO travaille à un programme de formation des populations côtières. L’organisation dispose déjà d’une longue expérience dans ce domaine, par le biais de sa Commission Océanographique Intergouvernementale (COI) qui coordonne le Centre d’alerte aux tsunamis du Pacifique (PTWS) depuis les années 60. Depuis 2005, trois nouveaux systèmes sont venus s’ajouter au programme : le CTWS dans les Caraïbes, le IOTWS pour l’Océan Indien et le NEAMTWS pour le Nord-Est Atlantique et la Méditerranée.
En janvier 2022, ce système d’alerte coordonné par l’UNESCO a permis de réagir très rapidement à un tsunami généré par une éruption volcanique sous-marine dans les îles Tonga. Si les dégâts matériels ont été importants, des centaines de vies humaines ont pu être préservées grâce à une excellente coopération multilatérale.
Cette mission a été réalisée avec le partenariat de l’UNESCO, Sony, La Caz’a Productions, Dream Yacht Charter et l’institut océanologique Paul Ricard.
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